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Petit guide pédagogique à l’usage des enseignants et étudiants

La transmission du savoir et le partage sont une part indissociable de notre activité, et nous avons à coeur de toujours améliorer notre manière d’enseigner. Ce “guide” propose quelques réflexions et pistes (sourcées et vérifiées) pour rendre l’enseignement, et l’apprentissage, le plus efficace possible.

Les conseils que nous rassemblons ici sont basés sur diverses sources scientifiques et études vérifiées et vérifiables (les sources sont listées en bas de page), ainsi que sur notre expérience dans l’enseignement et s’améliorent au fil du temps. Il est possible que nous cassions ici quelques idées reçues et erreurs courantes, que nous pouvions avoir et avoir faites nous mêmes mais que nous corrigeons au fil du temps de manière empirique et aussi par nos lectures scientifiques. Méfions-nous des préconisations qui ne seraient pas le fruit d’études vérifiables et reproductibles, de la tradition ou des jugements personnels.

Note

Ce document est en cours d’écriture et en constante évolution.

Tout le monde peut apprendre

À tout âge, même passé la vingtaine d’années où le cerveau change de configuration pour passer d’une forme extrèmement plastique à même d’apprendre très vite à une forme plus stable permettant de fixer les notions sur le long terme, l’humain a une capacité d’apprentissage extrèmement développée.

Cependant, en généralisant, deux attitudes peuvent se dégager au moment d’apprendre des choses complexes, qui paraissent trop difficiles :

C’est la deuxième attitude qui est, scientifiquement parlant, la plus juste1.

Sauf cas particulier de troubles de l’apprentissage, tout le monde peut apprendre, pourvu qu’il y consacre un effort.1

Quatre fonctions cérébrales et trois étapes de mémorisation

L’attention et l’encodage de l’information

L’attention, la concentration, met en oeuvre un ensemble de circuits neuronaux qui amplifient l’information sur laquelle nous nous concentrons et décuplent la profondeur de l’apprentissage.1

L’attention favorise la première phase de la mémorisation, l’encodage, en permettant un traitement de l’information en profondeur ; il faut comprendre l’information et pouvoir la mettre en relation avec ce que l’on sait déjà.

De la part de l’eseignant, tout ce qui favorise l’attention des étudiants est bon à prendre : voix qui porte, motivation, énergie. Les variations de rythme, l’humour ou les anecdotes sont par exemple efficaces pour (re)capter l’attention des étudiants.

Hint

Si peu d’études ont étudié le rire, on sait qu’il favorise grandement l’apprentissage, des enfants aussi bien que des adultes, probablement en favorisant l’attention et en renforçant le lien social avec l’enseignant. Transmettre les notions avec humour est très efficace.

Du côté de l’étudiant, tout ce qui détourne l’attention du sujet est à proscrire absolument, aussi bien en phase d’apprentissage (cours magistral, exercices…) que de travail personnel : garder une source de distraction comme, par exemple, une vidéo dans un coin de l’écran, ou le fait d’être trop régulièrement dérangé par quelqu’un d’autre, a systématiquement un impact négatif sur la concentration et donc sur l’assimilation et l’apprentissage. Le cerveau est bien plus efficace quand toute son attention est concentrée sur une tâche unique.
À l’inverse, tout ce qui favorise la concentration est bon à prendre : les pauses de temps en temps aident à se reconcentrer en revenant au travail, pour certains le fait d’écouter de la musique améliore la concentration (notamment en s’isolant des distractions du reste de la salle)…

L’engagement actif

Un cerveau passif n’apprend rien. Pour réussir, il doit sans arrêt générer activement des hypothèses avec la curiosité comme moteur.1

L’enseignant doit à tout prix favoriser cette curiosité et pousser à la réflexion : poser des questions, favoriser les intéractions…

La taille du groupe auquel on enseigne est primordial : un trop grand groupe rend rapidement l’enseignement très passif, limite l’engagement des participants ; à l’inverse un cours particulier peut parfois aussi limiter un certain engagement nait de la confrontation des idées entre plusieurs étudiants. On préfèrera donc, dans la mesure du possible, des petits groupes, de moins de 10 étudiants (voire moins de 5), ou diviser les classes (plutôt que d’enseigner à toute la classe, diviser en plusieurs groupes : pendant que l’un fait un exercice ou un test, l’autre suit un cours magistral, et inversement…).

L’étudiant doit se forcer à participer activement au cours et pas simplement écouter et prendre des notes. Si les notes peuvent souvent être utiles, elles peuvent aussi êre contre-productives en favorisant une certaine passivité par exemple. L’enseignant aura tout intérêt à donner aux étudiants un résumé précis par écrit (et illustré) de son cours pour leur éviter d’avoir à prendre des notes et ainsi leur permettre de suivre activement le cours.

Le retour sur erreur

Il faut comparer nos prédictions avec la réalité, dédramatiser et se corriger.1

Dans le cas d’un enseignement technique, mais aussi théorique, les exercices et la mise en pratique sont particulièrement importants : l’étudiant doit pouvoir essayer, se tromper, rater pour pouvoir être corrigé et qu’on lui explique ses erreurs. C’est ce qui fait notamment l’efficacité des pré-tests (voir chapitre sur la Méthodologie).

La consolidation et la récupération

Grâce à la répétition des notions, entrecoupées de périodes de sommeil, notre cerveau transfère ses acquis dans la mémoire à long terme, c’est la consolidation, qui permet d’automatiser les notions et de libérer les ressources intellectuelles pour d’autres objectifs.1

C’est la répétition qui permet de consolider la mémorisation ; la consolidation est la deuxième phase de mémorisation.

La consolidation est maximisée par l’effet d’espacement et la répition espacée des notions4 (voir ci-dessous le chapitre Méthodologie). Elle n’est efficace que si des périodes de sommeil de qualité ont lieu entre les répétitions.

L’effet d’espacement est le phénomène selon lequel la mémorisation sur le long terme est supérieure quand une même durée d’apprentissage est espacée dans le temps, plutôt que concentrée en une seule session. La pratique de la répétition espacée est ainsi supérieure au bachotage pour un apprentissage sur le long terme.

La multiplication des modes de reproduction (quiz, reformulation, questionnements, …) fait aussi l’efficacité de la consolidation (voir ci dessous).

Cette consolidation est aussi grandement favorisée et amplifiée par la récupération, la troisième phase de la mémorisation. Le fait de chercher et faire appel à l’information, notamment en se testant, améliore la rétention de l’information à long terme (voir la section Effet Test du chapitre Méthodologie).

Les ennemis de l’apprentissage

Le manque de sommeil

Le sommeil est un processus clef de la consolidation de l’apprentissage ; si les besoins de chacun varient, la grande majorité des adultes ne peut pas se passer d’un minimum de 7h de sommeil toutes les 24h au moins.

Le manque de sommeil ou le mauvais sommeil, tout en ayant un impact négatif sur la consolidation, réduira aussi l’attention et l’engagement actif, et aura donc aussi un impact négatif dès la réception des information et l’encodage.

L’ennui et la distraction

L’ennui et la distraction sont les premières causes de perte d’attention et d’engagement actif. Comme détaillé plus haut, l’enseignant doit tout faire pour lutter contre l’ennui, et l’étudiant doit se couper de toute source de distraction dès qu’il est en phase d’apprentissage ou de travail personnel.

Les écrans

Des études montrent que le traitement de l’information lue sur un écran est moins profond que sur papier.

Enseignant, étudiants, imprimez vos documents importants pour se détourner autant que possible des écrans !

Quoiqu’il en soit, des notes sur papier sont toujours plus pratiques au moment d’appliquer un savoir faire sur un outil informatique.

L’apprentissage par la découverte

Certains enseignants ou pédagogues préconisent parfois de laisser à leurs étudiants une phase de recherche personnelle, de découverte, avant de leur apporter leur enseignement, laissant l’étudiant face à un contenu pour qu’il explore.

Cela ne fonctionne pas.

Si ça peut parfois être un outil de plus pour anticiper un cours, en préparation, même dans ce cas il ne faut pas en surestimer l’intérêt. L’interaction avec un enseignant est cruciale - ne serait-ce que parce qu’il est le plus à même de favoriser l’attention et l’engagement actif.

Il ne faut pas confondre cet apprentissage par la découverte avec un pré-test (voir chapitre suivant), où l’apprentissage suit le test et où toutes les notions sont expliquées (le pré-test ne remplace pas l’enseignement, il en renforce l’efficacité).

Méthodologie

Répétition

C’est le fait de répéter qui permet la mémorisation à long terme, pourvu que les répétitions s’espacent de plus en plus (voir sections suivantes).

Il ne faut pas avoir peur de recommencer, encore et encore, c’est la manière naturelle qu’a le cerveau pour apprendre. Tous les musiciens le savent par exemple : c’est à force de répéter un morceau qu’on finit par le maîtriser (on n’a d’ailleurs pas peur en musique de confondre les mots apprentissage, préparation et répétition). Tant qu’un exercice n’est pas maîtrisé, il faut le répéter en corrigeant ses erreurs, qui ne sont pas toujours les mêmes. La correction d’une erreur peut en amener d’autres, il faut alors encore recommencer. Faire un exercice une seule fois pour conclure “C’est bon je l’ai fait” n’est pas efficace. Il faut faire et refaire ; chaque redite sera meilleure et gravera les notions et le savoir faire dans la mémoire cérébrale.

Effet d’espacement

L’effet d’espacement est le phénomène selon lequel la mémorisation sur le long terme est supérieure quand une même durée d’apprentissage est espacée dans le temps, plutôt que concentrée en une seule session. La pratique de la répétition espacée est ainsi supérieure au bachotage pour un apprentissage sur le long terme.

Des études montrent que l’effet d’espacement est important dans l’éducation et produit des gains significatifs, en particulier quand l’espacement se compte en jours ou semaines2.

Cet espacement permet en outre de mélanger les sujets, et là aussi des études montrent que la mémorisation peut être meilleure dans ce cas3. Il semble que le mélange des problèmes aide l’apprenant à apprendre à sélectionner plus facilement la solution d’un problème spécifique, alors que si les solutions sont enseignées de manière “triée” ou groupée, l’apprenant aura plus de difficultés à sélectionner le savoir utile dans une situation spécifique parmi tout ce qu’il a appris.

Il apparait donc qu’il est plus efficace d’espacer l’enseignement et de l’alterner les sujets plutôt que de regrouper les enseignements; au niveau de l’organisation du planning, il est préférable d’avoir des cours réguliers mais espacés qui s’alternent, et au sein d’un cours en particulier, il est préférable d’alterner les notions plutôt que de les enseigner en bloc l’une après l’autre4.

L’espacement des répétitions de l’enseignement peut aller grandissant ; ainsi, sur les premiers enseignements des notions, un espace de 24h avant une première répétition est idéal (laissant une période de sommeil favorisant la consolidation), puis ensuite quelques jours, quelques semaines, etc. Les notions se fixent alors efficacement dans la mémoire à long terme.

Évidemment, toutes les répétitions n’ont pas nécessairement à être prises en main par l’enseignant, qui pourra se limiter à quelques répétitions de temps en temps, mais c’est l’apprenant qui doit aussi organiser de lui même des répétitions, des révisions : refaire des exercices, relire, se tester (à plusieurs, voir section suivante sur l’effet test), mettre en pratique…

Effet test

L’effet test est le corolaire de la Récupération, troisième phase de la mémorisation à long terme : en faisant appel aux informations que l’on est en train d’apprendre, on renforce leur mémorisation. Plutôt que de relire, revoir, ré-écouter, il est bien plus efficace de aussi se tester : questions, jeux, et toute méthode permettant de mettre en oeuvre le processus de la récupération, de faire appel à la notion déjà apprise, aidera à la fixer sur le long terme.

Les tests les plus efficaces sont les tests difficiles mais réussis. Si les tests sont trop difficiles (on les rate tous) ou non-accompagnés (il n’y a personne pour rappeler / ré-expliquer), ou à l’inverse si ils sont trop faciles (on n’a pas à réfléchir), ils perdent leur efficacité. Un moyen de doser la difficulité est de moduler l’espacement entre l’apprentissage, les répétitions et les tests (voir section précédente sur l’effet d’espacement)5.

La forme des tests importe peu, l’important étant de faire un appel aux connaissances : quiz, QCM, jeux, exercices d’application, tout est efficace ; en notant la variété pouvant renforcer l’attention et la motivation.

Pré-tests

Il est montré que les tests peuvent précéder l’enseignement, qui a alors pour rôle d’apporter les réponses aux questions déjà posées. Les études montrent que cette méthode renforce l’enseignement qui suit et l’efficacité des tests ultérieurs.6

Un exercice pratique, un questionnaire, un jeu, peuvent alors précéder l’enseignement théorique pour en renforcer la mémorisation.

Alimentation

Il va de soit que pour bien apprendre, il faut être en bonne santé, et donc avoir une alimentation équilibrée.

Cela étant rappelé, voici en particulier les besoins cérébraux.

Le cerveau a besoin d’un apport constant en glucides, il consomme l’équivalent d’un morceau de sucre chaque heure. Le taux de glycémie est ainsi très important pour maintenir sa concentration et son activité. L’apport constant et régulier en glucose est assuré par les aliments à taux glycémique bas : les légumineuses (pois chiches, lentilles, haricots blancs et rouges…) et les céréales complètes (riz, pâtes, orge, pain au levain…) consommés matin, midi et soir. Les deux repas de la journée (matin et midi) permettent de maintenit le taux de glycémie tout au long de la journée de travail, les glucides du repas du soir (pâtes, riz, pomme de terre) permettant la consolidation.

Un apport en protéines (végétales - légumineuses et céréales - ou animales - lait, viande et poisson) est aussi nécessaire pour entretenir le cerveau.

L’apport en oméga-3 (poissons gras - sardine, anchois, saumon, thon… - et certaines huiles - huile de lin, huile de chanvre, huile de colza…) sont aussi essentiels à la fabrication et au fonctionnement des neurones. En n’oubliant pas que le corps a aussi besoin d’omega-6 et omega-9 (à ce titre, l’huile de colza est une des plus équilibrées de toutes). Attention, le bénéfice des huiles est vite perdu avec la chaleur (donc la cuisson) qui détruit ces molécules.

Enfin, les vitamines et en particulier la vitamine A sont très importantes (carottes, courges, épinards, beurre…) (avec l’âge, l’apport de vitamine A permet de prévenir le déclin cognitif), mais aussi les vitamines B1 (avoine, germe de blé, foie…) et B9 (noix, châtaignes, pois chiches…).

Exemple fictif d’un cours parfait

En guise de résumé, voici un cours fictif qui se déroule dans des conditions idéales.

Un groupe relativement petit, le sommeil, l’alimentation, sont la base indispensable à une bonne transmission du savoir.

On profite de l’effet test et de l’effet d’espacement pour renforcer les notions enseignées. En commençant la journée activement, on renforce l’attention et l’engagement des étudiants, potentiellement encore en phase de réveil…

L’enseignant prend soin de garder l’attention des étudiants, et de favoriser leur engagement, par exemple en posant des questions, en montrant des résultats et exemples intéressants, etc.

En entament l’après midi par un exercice pratique, on favorise encore la concentration et l’engagement ; le pré-test permet de se confronter à des problèmes plus difficiles qui seront résolues juste après.

L’apport des notions après le pré-test favorise la mémorisation.

L’enseignant favorise la répétition avec effet d’espacement et profite de l’effet test comme levier de renforcement de la mémoire.

Pistes de réflexion

En parlant de mémoire, un fort biais cognitif est connu : on se souvient significativement mieux des informations nous concernant que de celles concernant les autres7. De la même façon qu’on repère beaucoup plus facilement son propre nom dans une liste que celui des autres, on a beaucoup plus de facilités à retenir les informations qui nous concernent personnellement. Comment ce biais pourrait-il être exploité pour améliorer l’enseignement ? Personnaliser l’enseignement, l’individualiser…


Pour en savoir plus

Sources et références


  1. Stanislas Dehaene, propos recueillis par Elena Sender pour Science et Avenir - La Recherche n°896 (octobre 2021). 

  2. Byrne, John (2017). Learning and Memory: A Comprehensive Reference. Boston, MA: Academic Press. p. 481. ISBN 9780128051597. 

  3. Rohrer, Taylor, Doug, Kelli (April 19, 2007). “The shuffling of mathematics problems improves learning”. Instructional Science. 35 (6): 481–498. doi:10.1007/s11251-007-9015-8. S2CID 55686289. Retrieved April 23, 2016. 

  4. Voir la technique de la répétition espacée (spaced repetition). 

  5. Mémorisation : comment “récupérer” les informations apprises ?, Sciences et Avenir